welcome

Wednesday, June 02, 2021

aïeux

"Tout a commencé à cause de la vallée merveilleuse, au coeur du coeur du Cantal, d'où viennent tous mes aïeux lui ai-je dit.C'est une vallée de conte de fées, de carte postale, Walser y aurait été fou de joie et d"ailleurs très souvent j'y ai marché avec lui.Imagine devant toi des sommets parfois encapuchonnés de brume pareils au mont Fuji.De chaque côté d'une petite route sèche que le soleil fait blanche et qui serpente sans arrêt, des prés verts, épais et mouillés où circule une rivière.Il n'y a de son que celui del'eau, du vent, d'éventuels oiseaux, un mugissement parfois.Et dans ce berceau, il y a une maison de ferme, carrée et simple, d'où viennent mes arrière-arrière-grands-parents puis mes arrière-grands-parents.Les premiers allèrent et vinrent sur cette route,comme moi exactement, à ceci près qu'ils allaient àl'ouvrage - la terre -, mais aussi à leurs fêtes, leurs baptêmes , leurs enterrements, leurs mariages et leus veillées.Les seconds continuèrent, et à la troisième génération on s'embourgeoisa un peu, on devint ingénieur par exemple, mais toujours dans cette vallée.Quand j'y pense, dis -je à Vila-Matas, je ne saurais te dire tout ce qui se soulève.La vieille maison est encore habitée par une vieille cousine que je ne connais qu'à peine, et je craidrais de la déranger en allant toquer à la porte.Mais quand je marche sur cette route avec un bâton, hiver,été,printemps,j'ai à ce point l'impression de marcher dans les pas de mes aïeux que c'est sans doute cela qui me donne la sensation d'une force qui monte, au point encore que passé les trois ou quatre kilomètres magiques où ils vécurent dans leurs vêtements d'autrefois, je me retrouve emplie d'une énergie telle que je pourrais sans effort grimper sur les pentes du mont Fuji, redéscendre de l'autre côté et poursuivre, sans jamais m'arrêter.Et puis , dis -je à vila- Matas dont je sentais presque la chaleur de l'oreille collée à la cloison qui devait être fort mince,alors que tous ces êtres étaient dignes et forts, du moins est-ce ainsi que je les ai toujours imaginés, et qu'on m'en a parlé, au moment de la génération de mes parents qui étaient devenus professeurs et savants, ce fut comme si une poutre s'était fendue et avait écrasé la maison.Quelque chose de la folie survint, qui n'avait jamais erré dans cette vallée, et quand je dis folie je ne parle pas de grelots, de comportemeents ni de paroles effrayants, non, je parle, dis-je à Vila-Matas, de cette fusion qui fait que tout est devenu fiction."p77-78 Voyage avec Vila-Matas, Anne Serre

0 Comments:

Post a Comment

<< Home